Depuis 2015, et en grande partie grâce à des organismes de protection animale comme la Fondation 30 millions d’amis, le code civil considère enfin l’animal comme un être doué de sensibilité.
C’est une très belle avancée, qui on l’espère en permettra bien d’autres. Mais le chemin a été long pour en arriver là.
Voyons ensemble l’enchaînement des lois qui nous ont amené là.
1791 : L’ANIMAL PROTÉGÉ EN TANT QUE PROPRIÉTÉ DE L’HOMME
L’Assemblée constituante vote la 1ère loi de défense des animaux.
Le Code pénal stipule qu’il est considéré comme un crime « l’empoisonnement par malice ou vengeance, ou dessein de nuire, de certains animaux appartenant à autrui. »
Cette loi avait pour but de protéger principalement les chiens de garde. Il s’agissait ici d’une atteinte à la propriété d’autrui.
Ce délit était puni d’une peine de prison allant de 1 mois à 1 an.
1804 : L’ANIMAL, UN BIEN MEUBLE
Le Code civil considère les animaux comme des biens meubles « achetables et vendables comme d’autres possessions ».
1850 : LES MAUVAIS TRAITEMENTS PUBLICS SONT RÉPRIMÉS
Le Général et député Jacques Delmas de Grammont souhaitait protéger les chevaux des sévices qu’ils subissaient en tant que cheval de guerre, de transport, de travail agricole et dans les mines. Il était également très sensible au sort des animaux maltraités dans la rue.
Son intention était de punir tous les mauvais traitements infligés aux animaux. Et cela qu’ils soient commis publiquement ou dans le domaine privé.
Mais la loi Grammont du 2 juillet 1850, votée avec difficulté, ne concerna que les mauvais traitements publics. En revanche, elle mentionne le cheval comme animal domestique.
L’Assemblée Nationale législative condamne ainsi par cette loi tous les individus « qui auront exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques. »
Les fautifs écopent d’une amende de 5 à 15 francs et d’une peine de prison de 1 à 5 jours.
A ce stade, cette loi ne protégeait que la sensibilité des spectateurs et pas celle des animaux.
1959 : LA LOI GRAMMONT EST ÉLARGIE AU SÉVICES PRIVES
Le 7 septembre 1959, les législateurs adoptent le décret Michelet. Ce décret abroge la loi Grammont et élargit la répression des mauvais traitements au domaine privé.
Désormais, la loi pénalise « ceux qui auront exercé sans nécessité, publiquement ou non, des mauvais traitements envers un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité ». Les animaux obtiennent ainsi une protection en raison de leur propre sensibilité.
L’amende s’élève alors à 40 à 60 francs et la peine de prison peut être de 8 jours ou plus. L’animal peut alors être confié à une œuvre de protection animale.
Cette loi intègre également pour la 1ère fois les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité.
Mais malheureusement les animaux sauvages libres ne sont pas inclus. En effet, l’animal étant considéré par le droit uniquement en tant que propriété humaine, l’animal libre n’est pas présumé subir des maltraitances.
1963 : CRÉATION DU DÉLIT DE CRUAUTÉ
La loi du 12 novembre 1963 crée le délit de cruauté, public ou privé, envers les animaux domestiques ou apprivoisés ou tenus en captivité.
Elle réprime la cruauté en tant que volonté de faire souffrir.
Par cette loi, les sanctions qui peuvent être infligées sont beaucoup plus sévères.
En effet, l’individu qui commet le délit encoure une peine de 2 à 6 mois de prison et une amende allant de 2 000 à 6 000 francs (art. 453 du Code pénal). Des peines complémentaires peuvent également être appliquées comme l’interdiction de détenir un animal ou d’exercer une activité professionnelle ou sociale en lien.
L’animal est souvent confisqué et confié à une association qui peut se constituer partie civile (art. 2-13 du Code pénal).
Les activités comme les courses de taureaux ou les corridas sont exclues si une tradition ininterrompue est justifiée.
1976 : L’ANIMAL COMME ETRE SENSIBLE
L’article 9 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature reconnait enfin l’animal comme être sensible. Cependant, civilement l’animal demeure considéré comme un bien meuble ou immeuble. En effet, cette loi ne concerne que le Code rural et de la pêche maritime.
Toutefois, il s’agit là d’une grande avancée en termes de protection animale.
La loi stipule que « tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ». L’animal a le « droit de ne pas souffrir inutilement ou être mis à mort sans besoin ».
Le texte introduit également des mesures qui concernent d’autres sujets comme les élevages intensifs hors-sol, les conditions de détention des animaux dans les laboratoires, les conditions de transports, les cirques, les zoos, les élevages d’animaux à fourrure.
De plus, les animaux sauvages sont pris en compte dans le droit pour la 1ère fois dans le cadre de la loi de la protection de la nature avec la création des réserves naturelles et des parcs nationaux.
1989: IDENTIFICATION OBLIGATOIRE DES CARNIVORES DOMESTIQUES
La loi Nallet du 22 juin 1989 exige l’identification des carnivores domestiques lors de tout transfert de propriété. De plus, cette identification est obligatoire en toutes circonstances dans les départements déclarés infectés par la rage. Par ailleurs, elle énonce des règles sur les conditions sanitaires relatives aux établissements de vente ou de garde d’animaux.
On note également que l’euthanasie systématiques des animaux perdus ou abandonnés devient interdite et que le délai de fourrière est allongé.
1994 : LES MALTRAITANCES NE SONT PLUS DES DÉLITS CONTRE DES BIENS
À la suite de la réforme du Code pénal, la plupart des infractions envers les animaux sont considérés comme « des autres crimes et délits » et non plus comme « des crimes et délits contre les biens »
De plus, l’art. 521-2 de la loi du 29 juillet 1994 du Code pénal réprime le « fait de pratiquer des expériences ou recherches scientifiques sur les animaux sans se conformer aux prescriptions fixées par décret en Conseil d’Etat ».
1997 : L’EUROPE POSE LES FONDATIONS
Le Traité d’Amsterdam reconnaît l’animal comme être sensible. Des domaines comme l’agriculture, la recherche, ou encore les transports doivent maintenant prendre en compte le bien être animal dans leurs activités.
Ainsi, ce traité fixe la politique communautaire. Et cela va dans le sens de ce que demandent les associations de protection animale en France.
1999 : LES ANIMAUX DANGEREUX ET ERRANTS DANS LES TEXTES
La loi du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et aux animaux errants, fixe des règles strictes concernant la détention d’animaux dangereux et en particulier les chiens de catégorie 1 et 2. En revanche, elle assouplit les dispositions pour les animaux errants. En particulier, le statut de « chat libre » est officiellement reconnu.
Les animaux et les acquéreurs ont une meilleure protection juridique. En effet, l’identification des chiens devient obligatoire de manière systématique et les formalités de cession sont plus strictes. De plus, une réglementation voit le jour pour les activités de fourrière, les refuges, les élevages et les pensions.
Cette loi impose également à chaque commune de disposer d’une fourrière ou d’utiliser la fourrière d’une commune voisine. La capacité d’accueil de la fourrière devra s’adapter au nombre d’animaux errants recensés.
Concernant les peines encourues, la loi de 1999 fait passer à 2 ans et 30 0000€ d’amende le délit de sévices graves et cruauté. Cela devient également applicable pour le délit d’abandon d’animal domestique apprivoisé ou tenu en captivité.
Enfin, le code civil distingue les animaux des choses inanimées. Cependant, les animaux restent dans la catégorie des biens meubles et non celle des êtres sensibles.
2015 : L’ANIMAL COMME ETRE SENSIBLE DANS LE CODE CIVIL
La loi du 16 février 2015 du Code civil relative à la modernisation du droit reconnait enfin l’animal comme un être sensible. Le Code civil s’aligne ainsi avec le Code rural et le Code pénal.
L’article 514-14 stipule que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens ». C’est une très grande avancée en termes de protection animale. En revanche, les animaux restant soumis au régime des biens, l’abattage rituel, la corrida et la chasse à courre ne sont pas remis en cause. On note également que les animaux sauvages sont pris en compte par le Code de l’environnement et qu’ils ne sont pas concernés par cet amendement.
Toutes les organisations de protection animale s’accordent à penser que cette loi est un tournant et un réel point de départ vers une prise de conscience nationale. Cette reconnaissance permet de déverrouiller le débat juridique. Les législateurs peuvent maintenant, progressivement bien sûr, élaborer des lois qui prennent réellement en compte la sensibilité propre de l’animal.
Les sujets épineux des conditions d’élevage intensif, de transport, de recherche, mais également la corrida ou les sévices graves envers les animaux sauvages pourraient être pris en compte en considérant la sensibilité de l’animal.
Et, on note déjà plus de sévérité de la part des juges envers les individus coupables de maltraitance ou de cruauté envers les animaux. La vision des juges et les mentalités de manière générale sont en train de changer.
C’est de très bon augure ! Mais il ne faut pas relâcher les efforts. Les associations de protection animale continuent à travailler et il est également de notre responsabilité à tous de signaler tout acte malveillant auquel on assiste.
2018: LES ABATTOIRS SOUS SURVEILLANCE
Dans le cadre de la loi agriculture et alimentation promulguée le 1er novembre 2018, l’expérimentation de la vidéosurveillance dans les abattoirs est mise en place.
Nous n’avons pas encore assez de recul pour en tirer des conclusions. Mais, bien utilisée, cette mesure peut faire changer les conditions de fin de vie des animaux élevés pour leur viande.
Affaire à suivre…
EN RÉSUMÉ
La protection animale est un sujet qui sensibilise de plus en plus la population.
Les lois évoluent et on peut espérer arriver un jour à la création d’une nouvelle catégorie juridique pour les animaux, entre celle des hommes et les biens. Un droit autonome pour l’animal serait en effet un levier très important pour légiférer efficacement en faveur de leur bien-être.
Le chemin est donc encore long, mais en attendant il faut prendre conscience du chemin parcouru et des améliorations que tous les défenseurs des animaux ont obtenues.
On peut résumer cette évolution en 5 dates importantes :
- 1791 : L’animal est défendu en tant que propriété de l’homme
- 1850 : Les mauvais traitements publics sont interdits
- 1963 : Le délit de cruauté apparaît dans la loi
- 1976 : L’animal est considéré comme un être sensible dans le Code rural
- 2015 : L’animal est considéré comme un être sensible dans le Code civil
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